mon monstre

Un monstre liquide et écarlate se nourrit de mon essence dans la nuit. Il habite le creux de ma poitrine et coule dans mon larynx, compressant ma gorge et ma cage thoracique. Son haleine morbide me susurre des surnoms assassins et il décline la terreur d’un passé enfoui. A l’aube, il tape du pied à l’intérieur et s’impatiente, provoquant des sursauts et de sourdes inquiétudes. Il a la tête d’un grand-père d’après-guerre qui prie sur l’autel collaborationniste. Son dieu sanguinaire lui pardonne et le couvre pour l’éternité. Mon monstre sait qu’au matin, il retourne dans les profondeurs ; c’est pourquoi il profite des dernières heures pour exister et m’étouffer dans l’ombre. L’enfant ne parvient pas à lutter dans son sommeil contre cet assaillant de force démesurée. Le soleil pointe et le réveil sonne. Je prends le dessus et la créature se débat un peu. J’ouvre un oeil, m’étire et la chasse d’un revers de la main. Je la bâillonne et l’enferme à double tour. Elle reste domptée jusqu’au soir où à nouveau elle s’anime. Elle mourra pourtant, puisque je l’ai enfin débusquée. J’en fais le serment. Je la rangerai pour toujours dans un tiroir de ma conscience et elle se désintégrera. Ainsi libérée de cette étreinte monstrueuse, la petite fille grandira, s’épanouira et rejoindra la femme en moi.